Entre richesse et dénuement

par Christian Noorbergen, paru dans Artension n°7 , septembre/octobre 2002


Madhu Mangal BASU dit Madhu Basu est né en 1956 à Calcutta où il étudie les Beaux-Arts. Invité en 1989 aux Beaux-Arts de Paris, il quitte l’Inde pour la France.

 

Une de ses premières grandes expositions s’est tenue à l’abbaye de Molesme en Côte d’Or, lieu sacré, austère, éloigné de la modernité. Auparavant, Madhu Basu avait montré (une vie peut-elle épuiser une seule direction ?) une prodigieuse série d’hommes-univers : corps peints, sommaires et nus, vêtus de pure peinture, et traversant l’espace infini. Le fond de l’œuvre est opaque et vierge, comme une plaine première, verticale et absolue. Unique et violant le vide, le corps innombrable, toujours en naissance, délivre le monde de toutes nos tragédies.

 

En Egypte, le dieu-potier, avec de la lumière solaire devenue terre humaine, a créé l’homme. Madhu Basu, après avoir peint des morceaux d’humanité vivante, peint des plats très simples, fabuleusement simples, comme nés d’une simplicité archaïque. En Inde, « le pot symbolise la matrice de la mère » (M. Basu) et, dans la petite demeure d’un récipient primordial, l’esprit des morts s’installe à jamais. Choc ascétique des plus grands contrastes. Illuminant la nuit d’origine, Madhu Basu peint ses pots par deux, dans l’harmonie du couple. Deux est l’unité de la rencontre et de la vie véritable : ses écuelles s’échangent le monde et toute culture naît de ce silencieux dialogue. Circulaire et d’implacable présence, ainsi qu’un œil minéral, le mince et sobre récipient ouvre l’espace et l’habite somptueusement. Ce pot premier est un outil d’âme, un éclat de soleil mental et comme l’alphabet initiatique de toute entreprise humaine. Il suppose la main et l’esprit et convoque, en un cercle de lumière allusive, tous les éléments vitaux du cosmos.


L’œuvre de Madhu Basu dit l’impérieuse nécessité du dépouillement pictural. Contre la prolifération contagieuse du trop-plein matériel, l’artiste prend ses distances avec les excès de la production et se méfie de la surface des choses. Il enseigne la plus forte humanité par la plus grande pauvreté et le dénuement de l’art loin de toute séduction. Et le regard enfin s’abandonne à l’essentiel.


Chez Madhu Basu, le vide, d’où tout surgit, est d’un noir d’abîme, et ses deux êtres de terre travaillée vibrent de solitude dans l’univers sans fond et sans repère. Nés d’une lumière fragile, ils portent la contemplation jusqu’au bord aigu et tranché de l’horizon.

 

 

Textes

 

de Jacques Depauw
de Gérard Xuriguera
de Françoise Monnin

de Christian Noorbergen