Madhu Basu et ses hommes-univers

par Christian Noorbergen, Est Clair, août 1996

 

 

Il y a moins de dix ans, l’Indien Madhu BASU quittait Calcutta pour la France. Il n’oublie pas l’Inde, le sens de l’âme et du vide, il découvre l’art occidental et la puissance incantatoire des grands magiciens du 20eme siècle.

 

Etrange et fine peinture que celle de Madhu BASU. A la fois très contemporaine, subtilement archaïque et d’une troublante profondeur.

Il a exposé à Troyes, à diverses reprises, dans les salons annuels de la Société artistique de l’Aube et on le verra cet été en Bourgogne.

 

On peut remonter fort loin pour s’approcher des sources de son art hétérogène et dense. Il faut remonter bien avant l’apparition des mots, car la peinture est une langue plus ancienne que la langue écrite.
Depuis vingt ou trente mille ans, l’être humain tente de combler par l’art la distance qui le sépare de la nature. Et le corps moderne, depuis la fin du Moyen Age, est séparé du plan du tableau.


Depuis Masaccio (« Adam et Eve chassés du Paradis ») on voit les premiers êtres peints vivre leurs corps séparés du paysage. Ils ont abandonné l’espace, lequel tourne autour du corps, dans l’impossibilité de vivre en fusion, dans l’impossibilité de l’incorporer.


Madhu BASU, l’Indien venu de Calcutta, revient aux origines de la création. L’art et le monde naissent ensemble. Création : co-naissance. Ses corps peints, sommaires et nus, sont vêtus de pur espace.


L’univers tout entier est dans le tableau : il n’y a plus d’au-delà du corps et rien n’existe hors de l’œuvre.


Projeté par la toile, devenu à lui-même son propre paysage, le corps est charnelle poussière d’univers. Madhu BASU, fidèle aux origines, n’a pas la fascination de l’achèvement, du fini, du fignolé. Des blocs de hasard -le monde en petits morceaux habitables- font vibrer la solitude dans l’infini sans repère.
Mais l’homme est plus fort que ce qu’il a abandonné, et il n’écrase pas l’univers de sa trop prétentieuse rationalité ! Le vide, chez Madhu BASU, est un gris profond où tout respire et qui a pris la place du néant.


L’artiste retrouve l’état de nudité de la création. Son espace est vierge comme une plaine verticale, absolue, fondamentale.
Quelque chose qui existe et qui s’appelle homme, est arraché au fond le plus lointain de tous les états du minéral, du végétal et de l’organique.


Violant l’abîme, le corps innombrable délivre l’univers de ses tragédies.

 

 

Textes

 

de Christian Noorbergen
de Gérard Xuriguera